Paul Claudel, L'annonce faite à Marie.
Quel titre austère ! Mais bon, je me suis dit que le titre n'est pas tout et on peut trouver des trésors sous la plume de Claudel, alors je ne me suis pas arrêté à la couverture. Et j'ai bien fait. Contre toute attente, j'ai été happé par cette pièce, je l'ai lue sans voir le temps passer. Il parle d'amour, nous raconte l'histoire d'une rivalité entre deux sœurs, une histoire de sacrifice et de sainteté. Le texte est très étrange, empreint de magie, de surnaturel, de miracle. Les personnages sont complexes, tous intéressants, tous à leur façon. La forme est une sorte de théâtre poétique, les versets sont assez déstabilisant à la lecture des premières lignes, mais on s'y fait très rapidement. Le théâtre n'est pas toujours évident à lire, mais ici, ce format particulier fait que c'est un texte qui mérite autant d'être lu que vu, sinon plus. De même, l'histoire semble très obscure pendant un moment, on se sent un peu perdu, mais au bout d'un moment on entrevoit des choses, puis tout est révélé, et alors tout s'éclaire, c'est une révélation, la pièce prend son sens, on revient en arrière, essaye plusieurs niveaux et sens de lecture, c'est une pièce extrêmement riche, et surtout, ça reste du Claudel, d'une beauté époustouflante ! Tant dans le fond que dans la forme, c'est, pour peu qu'on accepte l'écriture un peu inhabituelle, un plaisir immense. Une pièce assez difficile, il faut le dire, mais tout de même moins que ce qu'on pourrait penser a priori ou au début de la lecture, et surtout qui vaut le coup qu'on dépasse ses préjugés pour s'autoriser à tomber amoureux de ce texte. Mais étonnamment pour moi, je n'ai pas envie du tout de voir cette pièce représentée, ça reste dans ma façon de recevoir l'œuvre, avant tout un texte écrit.