Henry Bauchau, Antigone
Ce qui est sûr à propos de ce roman, c'est que c'est bien un Bauchau, on reconnaît son écriture qui a une charge poétique immense, qui est d'une beauté illimitée. Trop même. Son écriture est d'une douceur infinie, même dans la violence extrême, ce qui lui confère plus de force encore, dans l'amour ou la colère. Mais tout ça c'est trop, trop de délicate beauté, trop de douceur, et beaucoup trop de poésie, on en est écœuré ! Très rapidement, au bout de quelque phrases, ça semble forcé, on sature vite, les figures de styles, tournures images, tout ça, c'est trop, ça ne veut plus rentrer. Et souvent je trouve (là, si ma prof de poésie tombe sur cet article, je sais que le lendemain, elle me pète les genoux à coup de batte de cricket, et la plupart des critiques lui donneront raison, mais peu importe, je donne ici mon avis personnel) que ses images et ses procédés son affreusement grossiers ! Oui, je les trouves épais, simplistes, et parfois, soyons honnêtes, dignes d'une rédaction de cinquième. Si si si. C'est trop gros, trop facile, et aussi trop constant, trop répété dans ce ton d'une infinie douceur. Il n'y a aucune variation, trop de beauté du début à la fin, ça ne peut pas tenir, la voix d'Antigone est lassante.
Parlons en de cette voix. A aucun moment dans le livre le lecteur n'entend la voix d'Antigone ou des autres personnages qui prennent la parole, seule celle de Bauchau est présente, j'avais un peu l'impression que l'histoire était un prétexte, parce qu'il faut bien un contenu. Mais ça, je conçois que ça puisse être une qualité (ma prof de poésie serait en transe), c'est la voix de l'aède qui porte la chanson et l'enrichit de cette façon, je n'aime pas trop, mais d'accord, c'est intéressant, c'est vrai. Ce qu'il y a par contre, là où ça m'a plus gêné, c'est que Bauchau prend le parti de faire entièrement porter la narration par Antigone, et même quand un autre personnage parle pendant tout un chapitre, on a l'impression que c'est entendu à travers Antigone, et à la longue, cet unique point de vue est assez limité. Mais surtout, ça a un rôle pour Bauchau qui doit vouloir complexifier un peu le personnage, donner à sentir ses émotions et états d'esprit dans ce qui se passe, apporter une réelle épaisseur au personnage, lui donner une sensibilité et la rendre humaine.
Malheureusement, en fait de sensibilité, c'est de la sensiblerie que Bauchau montre. Antigone devient devant nous une pauvre chose sans aucune force, dans une introspection constante, beaucoup trop de spirituel pour l'histoire, il transforme Antigone en une espèce de chochotte qui ne choisit rien, ne peut rien, est là comme par hasard, ne comprend rien à ce qui se passe et geint.
Et en même temps, pour ce qui est de la rendre humaine, c'est raté. Il fait presque de l'héroïne une super-héroïne, un être exceptionnel doué de pouvoirs à la limite du surnaturel, ce qui fait évidemment perdre beaucoup de force au personnage d'Antigone dont la beauté vient du fait que justement elle est presque n'importe qui, elle est tout le monde. Tout est idéalisé à l'extrême, y compris le personnage d'Antigone qui devient à certains moments une sorte de Joséphine ange gardien ou peu importe quel truc dans ce goût là, débordant de bons sentiments et de sensibilité de supermarché, mais heureusement ces passages sont vites rattrapés, ils se noient dans le reste et on les oublie, il s'en sort bien. Son Antigone perd paradoxalement tout aspect humain et tout sympathie, comme quand on apprend à connaître quelqu'un qu'on admirait et qui se révèle être un trou du cul, on se dit "ah, c'est que ça ?", ici, le personnage est beaucoup plus du côté du ressenti, de ses émotions qu'elle écoute constamment avec une attention lassante que dans le conscient, le choix réfléchi, la décision. On perd de la grandeur, du tragique, elle est sans cesse habitée et mise en mouvement par quelque chose "qui vient de plus loin que moi", et c'est le problème, ça n'est plus un être humain seul qui dit non et qui s'oppose consciemment, elle n'est qu'une marionnette manipulée par quelque chose qui la dépasse, elle ne fait que subir, elle n'est rien, plus du tout intéressante par sa démarche consciente et volontaire.
La fin du roman reprend un peu du poil de la bête, mais semble hésiter, faiblement, et trop tard. Rien n'est assez frontal dans ce livre.
Ce qui m'a beaucoup gêné aussi, c'est ces délires de pensée magique, de non-limite au psychologique, les effets largement démesurés de l'esprit sur les choses, chez certains écrivains dans certains contextes, j'aime énormément, mais là, honnêtement, ça m'a semblé grotesque et irritant.
Pour conclure et résumer, la démarche de prendre le récit avant les événements bien connus, ceux de l'Antigone d'Anouilh (entre autres), est très très intéressante, un choix vraiment judicieux, mais la réponse qu'apporte Bauchau pour cette construction d'Antigone me semble totalement inappropriée, presque absurde, et en tout cas fortement décevante. On trouve une Antigone bien fragile, faiblarde, c'est une petite fille, même après tout ce qu'elle a vécu qui dépasse pourtant largement une vie normale, elle est tour à tour trop idéalisée, doucereuse, et en même temps qui perd toute sa puissance, qui n'est qu'une pauvre poupée de chiffon, vide, sans volonté, qui se laisse porter en étant tout juste consciente de ce qui se passe, le tout au milieu d'un axe temporel souvent étrange, de clichés un peu gros, suintant de convenu, mais malgré tout, qu'est ce que c'est beau comme écriture ! Tellement beau que ça m'embête de démolir ce livre, j'aimerais l'aimer, et je ne peux pas entièrement le déconseiller, parce que quand même, tous les points négatifs que j'ai cités sont portés par la plume de Bauchau.
Malheureusement, en fait de sensibilité, c'est de la sensiblerie que Bauchau montre. Antigone devient devant nous une pauvre chose sans aucune force, dans une introspection constante, beaucoup trop de spirituel pour l'histoire, il transforme Antigone en une espèce de chochotte qui ne choisit rien, ne peut rien, est là comme par hasard, ne comprend rien à ce qui se passe et geint.
Et en même temps, pour ce qui est de la rendre humaine, c'est raté. Il fait presque de l'héroïne une super-héroïne, un être exceptionnel doué de pouvoirs à la limite du surnaturel, ce qui fait évidemment perdre beaucoup de force au personnage d'Antigone dont la beauté vient du fait que justement elle est presque n'importe qui, elle est tout le monde. Tout est idéalisé à l'extrême, y compris le personnage d'Antigone qui devient à certains moments une sorte de Joséphine ange gardien ou peu importe quel truc dans ce goût là, débordant de bons sentiments et de sensibilité de supermarché, mais heureusement ces passages sont vites rattrapés, ils se noient dans le reste et on les oublie, il s'en sort bien. Son Antigone perd paradoxalement tout aspect humain et tout sympathie, comme quand on apprend à connaître quelqu'un qu'on admirait et qui se révèle être un trou du cul, on se dit "ah, c'est que ça ?", ici, le personnage est beaucoup plus du côté du ressenti, de ses émotions qu'elle écoute constamment avec une attention lassante que dans le conscient, le choix réfléchi, la décision. On perd de la grandeur, du tragique, elle est sans cesse habitée et mise en mouvement par quelque chose "qui vient de plus loin que moi", et c'est le problème, ça n'est plus un être humain seul qui dit non et qui s'oppose consciemment, elle n'est qu'une marionnette manipulée par quelque chose qui la dépasse, elle ne fait que subir, elle n'est rien, plus du tout intéressante par sa démarche consciente et volontaire.
La fin du roman reprend un peu du poil de la bête, mais semble hésiter, faiblement, et trop tard. Rien n'est assez frontal dans ce livre.
Ce qui m'a beaucoup gêné aussi, c'est ces délires de pensée magique, de non-limite au psychologique, les effets largement démesurés de l'esprit sur les choses, chez certains écrivains dans certains contextes, j'aime énormément, mais là, honnêtement, ça m'a semblé grotesque et irritant.
Pour conclure et résumer, la démarche de prendre le récit avant les événements bien connus, ceux de l'Antigone d'Anouilh (entre autres), est très très intéressante, un choix vraiment judicieux, mais la réponse qu'apporte Bauchau pour cette construction d'Antigone me semble totalement inappropriée, presque absurde, et en tout cas fortement décevante. On trouve une Antigone bien fragile, faiblarde, c'est une petite fille, même après tout ce qu'elle a vécu qui dépasse pourtant largement une vie normale, elle est tour à tour trop idéalisée, doucereuse, et en même temps qui perd toute sa puissance, qui n'est qu'une pauvre poupée de chiffon, vide, sans volonté, qui se laisse porter en étant tout juste consciente de ce qui se passe, le tout au milieu d'un axe temporel souvent étrange, de clichés un peu gros, suintant de convenu, mais malgré tout, qu'est ce que c'est beau comme écriture ! Tellement beau que ça m'embête de démolir ce livre, j'aimerais l'aimer, et je ne peux pas entièrement le déconseiller, parce que quand même, tous les points négatifs que j'ai cités sont portés par la plume de Bauchau.