des-mots-sans-bruit

(biblio-blog)

Dimanche 27 septembre 2009 à 18:19


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Elfriede Jelinek, La pianiste.

Le texte est composé de deux parties. Au premier abord, la lecture semble difficile, voire impossible. On déteste. L’auteur a une écriture extrêmement particulière, irritante, et elle en joue, force le trait, cherche à perdre son lecteur dans des phrases en forme de labyrinthe, difficiles en français, impossibles en Allemand, les focalisations changent, sont imprécises, aussi floues que les personnages dont il s’agit ou que le temps qui est rapporté, le lecteur tâtonne dans une grande pièce noire et glaciale. Très vite, une envie le prend et se fait pressante : sortir.
Cette seule raison ; le fait que le livre soit absolument détestable et illisible, pousse le lecteur à pousser plus loin la lecture, à se forcer à se trouver à l’aise dans cette pièce sombre et gelée. Ca n’est pas tous les jours qu’un livre nous déstabilise à ce point dans notre petit confort. On persiste, on cherche à rassembler, non pas tant à comprendre, mais à emmagasiner les informations, à s’imprégner du récit, le recevoir simplement, on verra après ce qu’on en fait.
Et on a raison de s’être accroché, de ne pas avoir pris un air dégoûté devant ce qui ne nous est pas habituel, c’est ce dont on se rend compte à la seconde partie où la narration se fait plus conventionnelle et où tout ce qui nous a été jeté sans ordre ni forme dans la première partie prend sens, se révèle comme les photos sur le papier (enfin si quelqu’un voit encore de quoi je veux parler). Jelinek n’a pas décrit son personnage, elle l’a fait ressentir, comprendre à son lecteur, elle le lui a offert, elle lui a donné un corps et l’a fait haïr de nous, bons lecteurs, et maintenant qu’elle a réussi à construire cela, elle le détruit. Et de nouveau, on est choqué. Avec ça, une description et une réflexion sur l'art, sur l'être, d'une profondeur formidable.
« Destruction », c’est un mot qui pourrait parfaitement résumer le roman, si toutefois on n’oublie pas de lui adjoindre « dévoration ». C’est donc un livre très pesant, difficile, en un mot, désagréable à l’extrême, et pour cette raison, agréable à l’extrême. Comme je l’ai dit, c’est un livre qui choque. Tant par sa forme, inhabituelle, sèche au premier abord, que par son contenu, à donner la nausée par moments. La lecture n’est pas gentillette et tranquille, on ne sort pas de là sans avoir été bousculé (à moins d’avoir de sérieux problèmes psychologiques), et ça, c’est suffisamment rare pour être signale. Du point de vue de la langue, c’est difficile, disons le, mais sans doute moins en français qu’en Allemand. Certaines difficultés à la lecture m’ont fait m’interroger : tournure particulièrement malhabile, faute ou traduction du texte allemand lui-même très tordu ? Pour avoir eu à traduire un passage de ce livre, pourtant pas le plus difficile, je ne dirais pas que la traduction est mauvaise, et quand parfois certaines phrases me semblent « contre nature », je prends le parti de voir ça comme un choix d’écriture de l’auteur, ça fait réellement partie du livre.
Vous l’aurez donc compris, un livre dur dans tous les sens du termes, mas qu’il ne faut surtout pas éviter pour cette raison, il faut forcer sa lecture pour finalement s’apercevoir du monument formidable à côté duquel on a failli passer par manque de courage ! Ouf ! S’il y avait plus de livres comme celui là, je me demanderais moins souvent si, en fin de compte, la littérature a un quelconque intérêt.

 

Mercredi 16 septembre 2009 à 11:25


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Katherine Pancol, Les yeux jaunes des crocodiles.

J'avais déjà lu ou essayé de lire des bouquins de cet auteur, et quand j'avais réussi, j'avais eu beaucoup de mal. Celui que j'avais lu jusqu'au bout ne m'a laissé aucun souvenir, en partie à cause de son manque total du moindre soupçon d'intérêt, en partie parce que c'était tellement nul que par moments je me suis mis en mode lecture automatique, mes yeux courent sur les mots, mais mon cerveau ne travaille plus. Je dois bien reconnaître que celui là est moins illisible que ses prédécesseurs. Le style n'y est pas meilleur, c'est vrai, l'histoire est à peine moins nunuche, mais il est moins détestable, il se lit plus facilement. Les histoires de plusieurs personnages sont croisées, procédé sans doute utilisé pour montrer plusieurs aspects de l'histoire par des personnages différents et ne pas lasser le lecteur. Malheureusement, le procédé en lui même peut devenir lassant à force (encore que dans ce cas ça a été à peu près), mais surtout, l'histoire est tellement plate et les personnages peu profonds que ça serait la même chose sans cette technique. Non, mais bon, l'histoire est jolie hein, un peu attendrissante, sans doute rassurante pour certaines, presque drôle quelquefois. Ça se lit quoi, ça glisse tout seul. Mais le problème des livres de Katherine Pancol, c'est qu'on voit tout arriver largement à l'avance, et là, au quart du livre, c'est bon, c'est comme si on l'avait lu. L'histoire est banale, disons le, une femme, un peu paumée, pas sûre d'elle se trouve en position de devoir se prendre en main et de s'en sortir seule quand son mari se barre (et qui évidemment malgré les difficultés va non seulement s'en sortir, mais même réussir au point d'être admirée, retrouver l'estime de ses filles, prendre confiance en elle et trouver un (des ?) amoureux, bla bla bla, c'est formidable) et parallèlement l'histoire dudit mari, de la fille avec qui il est parti, et d'autres personnes en lien plus ou moins proche avec cette femme. Ça serait bien fait si ça se rejoignait vraiment, si ça n'était pas gratuit, mais là comme je l'ai dit, il n'y a rien d'autre qu'une histoire bien gentille, extrêmement attendue et convenue. Pour résumer, ça se lit, de la même façon qu'un téléfilm M6 se regarde, il est beaucoup moins mauvais que d'autres de cet auteur, mais je n'irais quand même pas jusqu'à le conseiller à quelqu'un.
 
 

Jeudi 10 septembre 2009 à 15:20

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Paul Claudel, L'annonce faite à Marie.

Quel titre austère ! Mais bon, je me suis dit que le titre n'est pas tout et on peut trouver des trésors sous la plume de Claudel, alors je ne me suis pas arrêté à la couverture. Et j'ai bien fait. Contre toute attente, j'ai été happé par cette pièce, je l'ai lue sans voir le temps passer. Il parle d'amour, nous raconte l'histoire d'une rivalité entre deux sœurs, une histoire de sacrifice et de sainteté. Le texte est très étrange, empreint de magie, de surnaturel, de miracle. Les personnages sont complexes, tous intéressants, tous à leur façon. La forme est une sorte de théâtre poétique, les versets sont assez déstabilisant à la lecture des premières lignes, mais on s'y fait très rapidement. Le théâtre n'est pas toujours évident à lire, mais ici, ce format particulier fait que c'est un texte qui mérite autant d'être lu que vu, sinon plus. De même, l'histoire semble très obscure pendant un moment, on se sent un peu perdu, mais au bout d'un moment on entrevoit des choses, puis tout est révélé, et alors tout s'éclaire, c'est une révélation, la pièce prend son sens, on revient en arrière, essaye plusieurs niveaux et sens de lecture, c'est une pièce extrêmement riche, et surtout, ça reste du Claudel, d'une beauté époustouflante ! Tant dans le fond que dans la forme, c'est, pour peu qu'on accepte l'écriture un peu inhabituelle, un plaisir immense. Une pièce assez difficile, il faut le dire, mais tout de même moins que ce qu'on pourrait penser a priori ou au début de la lecture, et surtout qui vaut le coup qu'on dépasse ses préjugés pour s'autoriser à tomber amoureux de ce texte. Mais étonnamment pour moi, je n'ai pas envie du tout de voir cette pièce représentée, ça reste dans ma façon de recevoir l'œuvre, avant tout un texte écrit.
 

Jeudi 10 septembre 2009 à 15:02


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John Steinbeck, des souris et des hommes.

Voilà un livre facile à lire qui m'a paru idéal pour emmener en voyage. L'histoire en est intéressante, on s'y plonge vraiment, on est touché par ce qui se passe, par les rêves de ces personnages et par le dénouement qu'on voit s'avancer comme les nuages des soirs d'orage s'il m'est permis d'employer une image aussi usée. Bien écrit et en même temps très très simple. Classique et très agréable. Triste, mais beau. J'ai bien peur d'avoir tout dit, c'est maigre comme article, mais que dire de plus ? J'ai aimé ce livre, il a quand même du poids, ça n'est pas une petite lecture gentillette qu'on oublie après avoir fermé malgré les apparences, je le conseille à tous, simple et efficace, vous l'aurez très vite lu, c'est minuscule, mais vous y repenserez souvent je crois. Donc allez y.
 

Jeudi 10 septembre 2009 à 14:50


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Herman Melville, Moby Dick.

Stop. J'ai abandonné le livre. C'est rare, très rare, mais là, non. J'allais partir en voyage et n'avais ni le temps ni l'envie de le finir avant le départ, je savais que ça serait pire encore après le retour, donc j'ai abandonné. Je partais pourtant avec un a priori très positif, je m'imaginais un roman d'aventure agréable, bien écrit, avec l'intérêt de la torture mentale d'Achab, son obsession qui se développe et finit de la façon qu'on sait. Autant dire que j'ai été déçu. Je ne m'attendais déjà pas à une narration à la première personne à vrai dire. Ça m'a un peu déstabilisé mais je me suis dit "pourquoi pas, voyons voir comment il va s'en tirer avec ça, ça peut être intéressant". La réponse est simple : il ne s'en tire pas. Melville ne tient pas sa première personne tout le temps, il s'en éloigne par moment en la fondant dans une sorte de narrateur omniscient et souvent clairement associé à l'auteur, ce qui ne donne pas une impression de changement perpétuel et bénéfique de point de vue mais au contraire d'empilements de récits mal raccordée et aux fonctions diverses : raconter l'histoire du point de vue d'un personnage, s'en détacher puisque cette dernière n'a en fin de compte aucun intérêt, étaler sa science de façon rébarbative informer le lecteur (sur des sujets dont il n'a que faire). Vous l'aurez compris, c'est pénible. Tout le long, on a l'impression que l'auteur accumule les détails et anecdotes pour faire "couleur locale", il aimerait beaucoup avoir l'air, mais à force d'entasser les chapitres entiers dans ce but, il souligne l'évidence : ça n'est qu'un décor en carton, et encore, de mauvaise qualité. C'est très lourd, le début surtout, les chapitres se suivent et ne sont là que pour montrer au lecteur des scénettes qui se veulent sans aucun doute savoureuses. A ce sujet aussi le livre m'a posé problème : l'humour. L'écriture est parfois tellement grotesque que je me dis que c'est du second degré, c'est de la parodie de roman classique. Pourtant je n'en suis jamais certain tellement le reste colle au roman classique. Certains passages sont écrit de façon très ambiguë et je ne sais pas s'il convient de rire de l'anecdote que rapporte l'auteur ou de la façon dont il la rapporte ou encore du fait qu'il la rapporte, et au final on ne rit de rien tant ce qu'on a sous les yeux est navrant. Il ne parvient même pas à créer une tension, il détruit toute la curiosité que le lecteur pourrait avoir, l'envie de lire la suite. Et entre les chapitres où il ne se passe absolument rien, il assène à son lecteur des extraits d'encyclopédies et comptes rendus scientifiques sur ce dont il parle et des exercices d'admiration d'un ton très convenu sur la mer, la vie à bord, la chasse à la baleine et autres réjouissances bien lourdes. Là encore je n'arrive pas à comprendre quand c'est ironique ou non, je n'arrive pas à choisir de façon sérieuse ou au second degré. Et puis dernière chose avant de conclure : l'écriture. Si le roman est bien traduit, alors Melville a une écriture détestable, d'une lourdeur sans nom, sans charme, mauvaise en un mot. Mais j'ai vu que, sur mon édition, Jean Giono avait participé à la traduction. Alors peut être simplement que ça vient de là, si il s'est employé à retravaillé la langue pour lui donner plus de poésie en français il ne serait pas surprenant qu'il ait massacré l'œuvre originale vu qu'il écrit lui même de façon tout à fait insupportable. Donc je ne sais pas à qui la faute, il faudrait que je sois capable de lire l'anglais pour juger, mais, ayant lu une grosse moitié du bouquin, je suis en mesure de dire que même si j'étais capable de lire en anglais, je n'irais sûrement pas vérifier que ce roman est tout aussi ennuyeux que sa traduction. A ne lire que si vous souffrez d'insomnies intraitables ou que vous aimez les mauvais romans légèrement ridicules et largement vieillis.


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