des-mots-sans-bruit

(biblio-blog)

Mercredi 29 juillet 2009 à 16:17

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Isabelle Jarry, Millefeuille de onze ans.

Cet ouvrage, contrairement aux autres livre d'Isabelle Jarry, n'est pas un roman, mais un genre de recueil de souvenirs enfantins de l'époque de ses onze ans. Ça n'est pas vraiment le genre de livres vers lesquels j'ai tendance à me tourner spontanément, mais il faut goûter à tout, et j'avais aimé ce que j'avais lu de cet auteur. Par tout petits chapitres, petites touches successives, Isabelle Jarry fait revivre pour son lecteur l'enfant qu'elle a été, ses préoccupations, découvertes, sa vie d'écolière et de petite fille, surtout à travers ses amitiés. Elle porte un regard légèrement distancié, sans se remettre dans son esprit de petite fille ni verser dans une espèce de nostalgie, elle se souvient simplement et porte un regard d'adulte. Elle évoque surtout dans ce livre la naissance de sa vocation d'écrivain, son amour et sa découverte de la lecture et l'écriture, et j'ai beau n'être pas d'accord avec tout ce qu'elle dit de la littérature, peu importe, elle ne prétend à aucun moment que ce qu'elle dit est une vérité, une leçon mais uniquement sa vision de la chose, ce qui répond à une question qui m'intéresse beaucoup. Même si elle dit quelques mots de ses romans, il n'est en rien nécessaire de les avoir lus pour apprécier ce texte, ça n'apporte au final pas grand chose, l'intérêt est simplement dans l'évocation du passé, de cette petite fille très attachante, et dans la relation à la lecture et écriture. L'écriture justement, parlons en, j'aime beaucoup le style de cet auteur, et cette fois comme les autres. L'écriture est toujours très légère et simple, ça coule tout seul et c'est un délice. Ça n'est sans doute pas une littérature très profonde mais c'est extrêmement agréable à lire, facile, et malgré tout loin d'être sans intérêt. Sans qu'il ait été une "révélation", j'ai beaucoup apprécié ce livre et j'ai pris plaisir à sa lecture comme je crois en auront tous ceux, et peut être plus encore celles, qui aiment la lecture et/ou l'écriture.
 

Vendredi 17 juillet 2009 à 14:23


Cet article est une petite parenthèse pour apporter une petite précision-réflexion sur un point que j'ai oublié d'aborder dans mon introduction à l'ouverture du blog. Je dois parler de traduction. Je lis ci et là des commentateurs qui affirment qu'on ne peut pas parler de style ou d'écriture particulière d'un livre à travers une traduction, je ne sais plus sur quel blog j'ai encore vu ça il y a peu, et à ceux là je répondrais que mon avis diffère légèrement du leur et me semble pourtant tout à fait valable, ce qui dans un langage plus courant pourrait être formulé "Mais tu vas fermer ta gueule au lieu de dire des conneries comme ça, stupide connard ?", mais je ne le dirai pas, c'est bien trop vulgaire.
Je n'y connais rien en traduction. Je lis un livre, et même lorsqu'il est bilingue, j'ai du mal à me rendre compte de la valeur de la traduction, pour ça il faut une maîtrise égale des deux langues. Tous les livres que j'ai lu en bilingue, et à plus forte raison les rares livres que j'ai pu lire en anglais et en Allemand, ne m'ont pas donnée une idée très précise de ce qu'est le style dans la langue originale, et donc de la fidélité de la traduction sur ce point. Je n'y connais rien en traduction, si ce n'est quand même que l'épreuve de langue au concours que je prépare consiste en une traduction d'un extrait de texte littéraire, les profs nous formant justement à essayer de conserver le ton, et même l'esprit du texte, il faut qu'on sente la même chose dans notre texte français que dans le texte en allemand d'origine. Je sais également qu'une traduction n'est jamais réussie.
Pourtant, je prends le parti de considérer quand j'ouvre un livre que la traduction est bonne. C'est à dire simplement que le livre est tel qu'il est. Ah oui, ça a l'air con à dire comme ça, mais à objection conne, réponse conne. En effet, ce que je lis, ce que je critique, c'est un livre, que ça soit une traduction ou non, la traduction aussi a un style, peu importe que ce soit celui de l'auteur. Si un livre est mauvais, ça a beau être à cause de la traduction, il n'en est pas moins mauvais, ce que j'ai dans les mains est un livre, un point c'est tout. Considérer le contraire reviendrait à ne lire de livres traduits, mais même, si on pousse un peu, à ne pas lire du tout puisque le langage est hautement subjectif et que donc la même langue doit être traduite de sensibilité à sensibilité.
Donc, sauf mention du contraire, je met sur ce blog tous les livres, traduits ou non, à égalité, je considère uniquement le texte qui est devant moi, et pour les plus pointilleux sur le sujet, j'essaye le plus souvent possible de mettre en image les couvertures des éditions que j'ai lues, c'est donc de celles là que je parle. (sauf pour les Hauts de Hurle-vent je crois, et d'ailleurs, pour le coup, ma traduction m'a semblé bien plus agréable (oui, je compare parfois))
Pour résumer, j'ai parfaitement conscience du problème de la traduction (quand même, j'ai retenu quelques petites choses en lettres hein), mais je le refuse et préfère considérer le texte en lui même, tel qu'il est présenté plutôt qu'une insaisissable, multiple et de toute façon subjective essence originelle du texte.
 

Vendredi 10 juillet 2009 à 10:26


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Emily Brontë, Les Hauts de Hurle-Vent.

En pensant à ce livre dont je ne connaissais pas grand chose je me disais "Boarf, un roman anglais du début du 19ème... je garde ça pour quand je serai à la retraite, je le lirai avec une tasse de thé fade, un plaid et un chat sur les genoux, les charentaises au pied, et mon réveil réglé pour me rappeler l'heure de partir au club question pour un champion de mon quartier." C'est dire que j'avais un a priori légèrement négatif. Et puis quelqu'un pour qui j'ai une estime immense m'a dit qu'il fallait absolument que je le lise, que c'était superbe etc. Ce que je fis donc cette semaine.
Je le reconnais, je me trompais. Ce roman est tout à fait étonnant. C'est une histoire d'amour. Ou plutôt de haine, on ne peut pas dire, les extrêmes se touchent. C'est d'ailleurs ce qui en fait, pour bonne part, sa qualité. La forme même est surprenante pour l'époque je trouve, plusieurs récits et narrations de plusieurs formes, à tiroirs, qui s'emboîtent, se complètent, et forment l'histoire qui nous est rapportée en fin de compte. Je ne m'attendais pas à trouver ce jeu entre les narrateurs, les paroles rapportées, les témoignages directs des personnages, c'est très intéressant.
L'histoire même est passionnante. Tous les personnages ont d'incroyables tares morales et psychologiques, pas un seul n'est équilibré à l'exception peut être des deux narrateurs. C'est loin d'être une petite histoire d'amour sage, mielleuse et bien polie, c'est un déchaînement de passions. À l'époque de sa publication, je me dis que ce livre a dû pas mal faire de boucan dans les salons bourgeois ! Il est sûrement tombé des mains offusquées des vieilles anglaises bien pensantes. Ici, les vices des personnages sont bien mis en évidence, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, et quand je dis que le livre est passionnant, c'est parce que le phénomène d'empathie est très fort, le lecteur est transporté dans l'histoire, on ne reste pas froid devant ce texte tant les personnages et leurs actions sont détestables. On aurait envie de leur casser les genoux à coup de batte, de les énucléer avec une cuillère à pamplemousse, de leur faire écouter un album d'Indochine (non, peut être pas ça quand même, il y a quand même des limites à la barbarie).
J'explique un peu. L'action est dans une campagne anglaise isolée, c'est à dire nulle part. C'est un milieu clos, stagnant, les gens qui vivent là n'ont qu'eux comme compagnie, ils ne peuvent pas sortir de cet enfermement, alors pour passer le temps, on se marie et on se hait, ça occupe. Ils n'ont pas le choix, mis à part les domestiques, qui sont moins que rien dans la mentalité de l'époque, ils ne connaissent qu'une ou deux personne, alors forcément on tombe amoureux par caprice et ennui, et évidemment on se déteste tout de suite après. Dans l'inaction, les vices et haines diverses se développent, prennent de l'ampleur et deviennent incroyablement puissants. Le pire, et le plus passionnant, est que tout ça part d'une histoire d'amour, une grande et terrible histoire d'amour que la souffrance et le déséquilibre psychologique d'un personnage va transformer en atrocité, en manipulation et tortures, ce qui bien évidemment donne toute sa puissance à l'histoire d'amour. On est scotché aux pages, on se demande toujours jusqu'où ils vont aller, si ils vont réussir, ce qui va pouvoir se passer, on se dit "non, elle ne va quand même pas faire ça, non mais quelle conne", on a le souffle suspendu d'un mot à l'autre, bref, on est pris dedans, effet encore accentué par la narration entrecoupée, multiple, avec des anticipations qui, l'air de rien, créent une tension terrible. Et puis surtout on est pris dans le roman parce qu'on a envie de les tuer. Tous. Les petits aristos prétentieux, arrogants pourris et égoïstes à l'extrême avec en plus tout ce qu'ont de particulièrement insupportable les enfants-adultes trop gâtés, à la limite, ça passe encore, on peut se dire qu'ils ont été élevés comme ça, qu'ils ont été formés pour être des trous du cul détestables, qu'ils méritent la mort, mais sans leur en vouloir quoi, mais alors les domestiques arrogants, serviles stupides et impuissants, là c'est trop, pas d'excuse ! Les maîtres sont idiots au possible, plus que ça ne devrait être permis, et les domestiques sont soit pires, soit impuissants à faire quoi que ce soit, la narratrice regarde sa maîtresse se perdre et ne peut/veut rien faire, c'est à se demander à quoi elle sert. Ce roman n'est pas du tout vraisemblable : la vraisemblance réclame meurtres et suicides dans ce contexte. Donc en résumé, tout ça pour dire que le lecteur est complètement transporté dans le récit, qu'il vit l'histoire.
L'écriture est très agréable (ce qui me rappelle que je dois faire un article à ce sujet. Le prochain sans doute), fluide, simple, l'histoire elle même est d'une beauté romantique très puissante, la fin est heureuse comme vous vous en doutez, ça n'est à aucun moment lourd contrairement à ce que je craignais, surtout dans ce pays, il n'y a pas de looooooongues descriptions de la lande et des vallons etc etc, c'est à la fois très simple et très beau, pas mielleux, vraiment c'est un superbe roman qui se lit très rapidement. Je pense que ça ne peut pas se traduire en film sans être un gros navet, il faut réellement le lire et j'encourage tout le monde à faire cette lecture.
 

Mercredi 8 juillet 2009 à 17:20


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Albert Camus, La peste.

À Oran, à une époque moderne mais sans date précise, les rats sortent de plus en plus nombreux pour mourir en masse dans les rues, et bientôt le mystérieux mal atteint également les humains, vous l'avez deviné, c'est de la peste qu'il s'agit. Immédiatement après que les autorités ont reconnu ce qu'était le fléau, la ville est fermée, des mesures de quarantaine organisées etc. C'est la vie de la citée close et de ces habitants qui nous est racontée par un narrateur qui garde l'anonymat jusqu'au dernier chapitre, il fait état de l'avancée du mal, des réactions des gens, de quelques uns plus en particulier, décrit les habitudes et pensées de ces gens en temps d'occupation par la peste, ceux qui tentent de se révolter, de résister même s'ils sont totalement impuissants face à ça, ceux qui collaborent d'une certaine façon en profitant des occasions que le fléau offre, et tous ceux qui subissent simplement, jusqu'au beau jour où la peste finit par faiblir puis disparaitre comme elle était apparue.
Le récit se veut froid, impersonnel, distant, presque analytique, très monotone. C'est assez long et ennuyeux, mais pas de façon négative parce que ça serait mal écrit, loin de là, au contraire, c'est un peu l'effet recherché, et cette monotonie fait partie de l'histoire. Camus nous montre les différentes façons de penser et les réactions face à un mal perçu comme absolu et contre lequel on ne peut en gros rien faire, et même simplement pas comprendre. Un texte riche et profond, très intéressant. Je me suis en effet ennuyé à la lecture mais pourtant, j'ai assez aimé. Intéressant à lire, je le conseille, mais plutôt à des lecteurs un minimum motivés, car sans être particulièrement difficile, on a l'assoupissement facile devant ces chroniques de la peste.

 

Dimanche 5 juillet 2009 à 11:24

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Didier Daeninckx, Cannibale.

Ce livre nous présente une histoire bien gentillette qui se déroule sagement en 1931 où un groupe de Kanak est envoyé à Paris pour l'exposition coloniale et sont donc parqués comme des animaux, montrés comme des bêtes sauvages et qualifiés de cannibales. Une trentaine d'entre eux est ensuite prêtée à un cirque Allemand et donc séparé du groupe, et il y a dans le lot une jeune fille dont le "fiancé" va partir pour le rechercher avec un ami. Vu comme ça, on s'attend à un récit plein de promesse, d'aventures, avec peut être une dénonciation un peu facile et lourdingue de la société de l'époque et son racisme, malheureusement le livre ne comprend que ce second aspect, et encore, à peine. On peut dire qu'il ne se passe à peu près rien. L'injustice flagrante du traitement de ces hommes n'est pas utilisée, la morale à la con est franchement de trop, c'est une jolie petite historiette un peu crétine. La narration est sensée être orale, mais ça n'apparait pas du tout, soit que ce soit un mauvais choix de l'auteur, soit simplement que ce soit raté, aucune légèreté, et si Chamoiseau m'exaspère avec une écriture trop orale à mon goût, là c'est le contraire. Et puis l'oscillation entre le temps du récit et le temps de l'énonciation, en plus d'être très mal maîtrisé, est à mon sens parfaitement inutile et vient rendre encore plus lourd le récit. Une fois la dernière page tournée, j'ai poussé un soupir et tout ce que j'avais lu est sorti de ma tête. Pas la peine de le lire d'après moi.

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