Carlos Ruiz Zafon, L'ombre du vent.
Ce livre était celui que je réservais pour le premier moment de détente qui suivrait le rush que je subissais ; j'avais envie d'une lecture légère, bien romanesque, agréable et captivante. Autant le dire tout de suite : j'ai été plutôt déçu. La toute première chose qui m'a frappé au début du livre, c'est la platitude de l'écriture qui va jusqu'à la grossièreté dans ses procédés extrêmement simples, ses images plus que banales, son manque d'originalité qui me donnait un peu l'impression d'être encore en stage avec mes 3èmes à corriger les copies du brevet blanc. A vrai dire, c'était tellement inepte que j'ai été jusqu'à penser que c'était fait exprès pour coller au personnage principal qui, à ce moment découvre tout juste la littérature et tente d'écrire en vais puisque tout ce qu'il fait est plat, bourré de clichés et prétentieux. Malheureusement, ça continue dans tout le bouquin, formules convenues, personnages types, situations façon téléfilm sur NT1, bref, difficile d'accrocher.
Et pourtant, ce livre arrive parfois à nous surprendre. Pas dans l'intrigue, non, ça certainement pas. Encore que si remarquez, à plusieurs reprises je me suis étonné que l'auteur ose nous servir des clichés énormes, qu'on sentait tellement venir depuis 95 pages qu'on se disait que non, c'était tellement gros et ridicule que c'était forcément une fausse piste ; et non ! Mais sinon, paradoxalement, je disais qu'il parvient à étonner en cela que par moment, pour quelques pages, ça fonctionne. A certains moments ponctuels, on arrive à être un peu pris dedans, à se laisser entraîner, mais, pour mon cas, cet effet représente je pense moins d'un tiers du livre. L'intrigue est un peu épaisse, à la première apparition du personnage sensé être mystérieux on se dit "oh, ça, pas de doute, c'est en réalité ***" et ça ne loupe pas. Les découvertes et tentatives de rebondissements successifs ne font durer l'histoire que très artificiellement, ça ne tient pas debout, on y croit pas du tout, le héros, Daniel n'est pas sympathique, ni crédible, mais je dois quand même dire que j'ai vu des personnages moins bien construits et amenés. Le personnage de son ami, sensé, un peu comme le génie d'Aladin (version Disney bien sûr), être le personnage à la fois rigolo, toujours sympa, qui connaît toutes les solutions, peut se sortir de tout mais en même temps a sa personnalité et ses tortures propres, ce perso donc est antipathique au possible à force d'être aussi artificiel. Je passe sur les autres qui ne valent pas mieux, mais le pire, là où vraiment on touche le fond, c'est évidemment le personnage du Méchant qui est franchement risible et qui à lui seul a failli me faire lâcher le livre tellement c'est ridicule.
Alors pourquoi, comme je l'ai dit, certains passages fonctionnent ? Je ne saurais le dire, mais malgré tout ce que je viens de dire, il y a des moments où ça s'oublie, où on réussit à se mettre dedans jusqu'à un certain point, et ça fait que ce livre est lisible, que son volume passe même s'il pourrait être réduit d'un tiers. Quand même, c'est dommage, je pense qu'il aurait été possible de faire quelque chose de tout à fait formidable avec cette histoire si c'était fait de façon plus fine, plus approfondie, et surtout avec une écriture beaucoup plus littéraire que celle là qui ressemble à un script de téléfilm des vacances.
Et puis je suis embêtée. Parce qu'en lisant ton article, je me dis que oui c'est vrai que c'est cliché, d'un regard soit disant objectif (je parle pour moi), les personnages (notamment le méchant comme tu dis) paraissent archétypes. Mais c'est étonnant comme ça m'a fait effet ! Parce qu'en les lisant cheminer sous mes yeux, ils prenaient toujours plus d'épaisseur et d'authenticité, je me souviens avoir trouvé ça vraiment formidable, cette capacité de l'auteur à animer un nom, à lui donner dans ma tête du relief, une dimension. Et du coup j'ai l'impression de mieux sentir et à la fois de moins sentir (on est pas à une contradiction près^^) ce à quoi correspond pour ma lecture "rentrer dans une histoire", "être dedans", c'est ce passage très subtil entre le regard "détaché" quand je me dis "c'est vrai que c'est cliché en fait" et l'émotion intense dont j'ai un net souvenir lors de ma lecture. C'est drôle que puisse coexister les deux pour la même personne. Enfin, cela dit, ce qui me paraît encore plus intéressant dans ton article, c'est qu'alors que je trouvais ce livre formidable, tu me rappelles ce sentiment de plus en plus prégnant quand je lis: que la lecture est une affaire d'expérience, de sensibilité, de subjectivité (pas dans le sens d'être sensible ou non, mais de la spécificité même de ce que l'on est à un instant précis). Mais du coup me voilà à nouveau embêtée sur: quelle importance accorder au livre en lui même ? (Je sens que je commence à m'emmêler alors je m'apprête à affronter l'affichage "in extenso" du commentaire et à y survivre :-) )