des-mots-sans-bruit

(biblio-blog)

Dimanche 4 avril 2010 à 12:56


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 François Cheng, le Dit de Tian-yi

Cela vient probablement aussi du fait que le temps commence à devenir un luxe, mais j'ai de moins en moins de scrupules à laisser tomber un livre qui m'ennuie trop. J'y laisse un bout de papier déchiré à la page à laquelle je me suis arrêté pour que, si un jour je le reprends, je me souvienne à quel moment j'ai abandonné (il m'est déjà arrivé de lire deux fois un livre, tellement insignifiant que je ne me suis rendu compte que dans les dernières pages que je l'avais déjà lu) et je le range dans ma bibliothèque. Quand il est à moi, évidemment, je ne vole pas de livres. Ou enfin peu.
Bref, vous l'aurez compris, j'ai abandonné ce livre de François Cheng, qui pourtant est un auteur qui m'a beaucoup intéressé dans d'autres ouvrages. Peut être est-ce la fiction qui ne convient pas à son écriture (selon mon goût, évidemment. cf: premier article).

Dès le début, l'écriture a entamé mon a priori positif par rapport à ce livre. Mais l'histoire elle même n'avait alors pas réellement commencé, je me suis dit que ça passerait, surtout que ce début était plein de promesses. Et puis non. Je trouve l'écriture vraiment marquée par les essais, et ça ne convient pas au roman, ça l'allonge inutilement et l'alourdit. La vision rétrospective de sa propre vie qu'est sensé avoir le narrateur n'est pas du tout réaliste, elle est montrée comme elle le serait par un narrateur externe et quasi omniscient alors que justement c'est ce qui m'aurait pas mal intéressé là dedans, voir comment il se sort du récit d'un vieux "fou" qui ne l'a justement pas toujours été, si il dresse, ce qui serait logique dans la forme du récit rétrospectif, une vision du Moi passé reconstitués par le Moi présent et dans laquelle le lecteur donc ne saurait pas discerner ce qui est vrai de ce qui est reconstitué a posteriori, ou alors si, en s'éloignant de la forme qu'il avait choisi, il allait nous montrer l'évolution du personnage, ce de quoi on est plus proche, mais de façon tellement diluée ! Et les aspects documentaires, purement culturels, même si tout à fait à propos et jouant quand même un peu un rôle, sont vraiment lourds et artificiels dans le récit. Comme je le dis, on dirait que le personnage narrateur est devant ce qu'il observe pour la première fois, avec toutes ses émotions et remarques intactes alors que l'écriture est sensée se faire une grosse cinquantaine d'année plus tard. Il n'y a pas de trous, pas de flous, pas d'ellipses, rien. Alors en plus de ça et l'écriture qui m'ennuyait profondément, ajoutez une histoire très inégale, qui se déroule comme à côté d'un narrateur auquel on ne croit pas vraiment, qui ne présente pas de tension particulière, et vous comprendrez pourquoi, après m'être plusieurs fois endormi sur ses pages, j'ai laissé tomber le bouquin. Dommage, le projet était sympa dans l'idée, et je soupçonne surtout que ça s'améliore au fur et à mesure pour devenir passionnant à la fin. Mais comme à la moitié passée ça n'étais toujours pas le cas, il attendra quelques années dans les rayons de ma bibliothèque que je le reprenne un jour, car je continue à croire qu'il peut être très intéressant.
 

Vendredi 1er janvier 2010 à 15:29


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Marie NDiaye, Rosie Carpe.

J'avais commencé ce livre, alors emprunté à la bibliothèque, il y a un peu plus d'un an. Malheureusement, j'avais été contraint de l'abandonner devant des obligations scolaires de plus en plus pressantes et envahissantes. Je m'y relance donc. Aux premiers mots, je me suis assez bien souvenu de l'histoire, de l'ambiance et du style, et c'est aussi pour ça que je ne l'avais pas continué à l'époque en le lisant par exemple dans le train le matin et le soir ; c'est un livre difficile. Le style de Marie NDiaye, sublime mais dur y est très présent, ça n'est pas d'une fluidité facile d'accès, elle retarde toujours les événements par des phrases longues, la syntaxe met comme des obstacles sur le déroulement de la phrase, qui retardent le lecteur dans sa recherche de l'information, et quand celle-ci arrive, elle est incertaine, prise dans une sorte de brouillard épais. Alors à la phrase suivante, et dans tout le paragraphe, on essaye de se rapprocher, on tourne autour de la chose en avançant peu à peu, mais jamais de façon frontale. Bien sûr, ça peut paraître désagréable comme écriture, très étrange, mais si on se donne la peine d'essayer, même si vraiment on ne s'y fait pas, en faisant l'effort d'aller jusqu'au bout, je pense qu'on ne peut que se rendre compte que cette écriture difficile est formidable, d'une beauté et d'une richesse infinie. Les thèmes de l'auteur sont là : Famille, une certaine dévoration, recherche de soi, et perte aussi, l'étrange. Avec tout ça, vous vous en doutez, l'atmosphère est assez spéciale, glauque, étrange, tout est incertain, brumeux, on dirait presque crasseux, on ressent comme quelque chose d'avilissant, menaçant et honteux ; c'est très très fort, très puissant ce qui est créé par cette écriture, parfois carrément dur à lire, on a pas envie de lire le mot qui suit, c'est une répulsion presque physique, et pourtant, on continue, parce que, parce que je ne sais pas, mais il y a une sorte de charme qui nous tient, on est accroché au texte. C'est un texte qui touche, qui entre en nous, parfois affreusement.
L'histoire est celle d'une femme, Rosie Carpe, racontée d'une façon non linéaire (mais presque). On apprend à connaître sa vie, comment elle est arrivée là où on la voit quand on ouvre le roman, puis ce qui se passe ensuite pour elle et les siens. C'est aussi une histoire de famille. Terrible, douloureuse à lire, monstrueuse et étrange encore. Les points de vue varient aussi entre plusieurs personnages, principalement Rosie et Lagrand, dans un passage qui peut sembler surprenant quand il se produit, mais est en réalité tout à fait bienvenu. Les personnages sont différents, absolument différents, mais le fait de passer de l'un à l'autre ne change en rien l'écriture ou la façon d'envisager et de dire le monde, on reste dans le même univers, souvent oppressant, gélatineux, décrit avec une force à nulle autre pareille. Je m'attendais à une fin plus brutale, simple (et quelque part décevante), mais jusqu'au dernier mot, on ne sait pas où on va, on avance dans quelque chose qu'on ne connaît pas, qu'on ne comprend pas vraiment, qu'on cherche à interpréter en se demandant toujours si on a raison, si il y a des liens, si on peut comprendre des choses, l'auteur crée chez le lecteur par rapport au livre la même attitude qu'ont ses personnages par rapport à la vie. D'une force, d'une efficacité peu commune, c'est dur, dérangeant, douloureux, mais superbe, incroyablement bien écrit. J'ai beau aimer beaucoup Marie NDiaye et m'attendre au meilleur en ouvrant un de ses livre, il est encore possible de prendre des baffes comme celle là, d'une prodigieuse puissance, d'être encore étonné et sonné par ses livres, par à la fois le style, l'histoire et l'univers particulier, de façon homogène, sans qu'on puisse dire ce qui est le plus important. Incroyable.

Lundi 28 décembre 2009 à 12:13


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Henry Bauchau, Antigone

Ce qui est sûr à propos de ce roman, c'est que c'est bien un Bauchau, on reconnaît son écriture qui a une charge poétique immense, qui est d'une beauté illimitée. Trop même. Son écriture est d'une douceur infinie, même dans la violence extrême, ce qui lui confère plus de force encore, dans l'amour ou la colère. Mais tout ça c'est trop, trop de délicate beauté, trop de douceur, et beaucoup trop de poésie, on en est écœuré ! Très rapidement, au bout de quelque phrases, ça semble forcé, on sature vite, les figures de styles, tournures images, tout ça, c'est trop, ça ne veut plus rentrer. Et souvent je trouve (là, si ma prof de poésie tombe sur cet article, je sais que le lendemain, elle me pète les genoux à coup de batte de cricket, et la plupart des critiques lui donneront raison, mais peu importe, je donne ici mon avis personnel) que ses images et ses procédés son affreusement grossiers ! Oui, je les trouves épais, simplistes, et parfois, soyons honnêtes, dignes d'une rédaction de cinquième. Si si si. C'est trop gros, trop facile, et aussi trop constant, trop répété dans ce ton d'une infinie douceur. Il n'y a aucune variation, trop de beauté du début à la fin, ça ne peut pas tenir, la voix d'Antigone est lassante.
Parlons en de cette voix. A aucun moment dans le livre le lecteur n'entend la voix d'Antigone ou des autres personnages qui prennent la parole, seule celle de Bauchau est présente, j'avais un peu l'impression que l'histoire était un prétexte, parce qu'il faut bien un contenu. Mais ça, je conçois que ça puisse être une qualité (ma prof de poésie serait en transe), c'est la voix de l'aède qui porte la chanson et l'enrichit de cette façon, je n'aime pas trop, mais d'accord, c'est intéressant, c'est vrai. Ce qu'il y a par contre, là où ça m'a plus gêné, c'est que Bauchau prend le parti de faire entièrement porter la narration par Antigone, et même quand un autre personnage parle pendant tout un chapitre, on a l'impression que c'est entendu à travers Antigone, et à la longue, cet unique point de vue est assez limité. Mais surtout, ça a un rôle pour Bauchau qui doit vouloir complexifier un peu le personnage, donner à sentir ses émotions et états d'esprit dans ce qui se passe, apporter une réelle épaisseur au personnage, lui donner une sensibilité et la rendre humaine.
Malheureusement, en fait de sensibilité, c'est de la sensiblerie que Bauchau montre. Antigone devient devant nous une pauvre chose sans aucune force, dans une introspection constante, beaucoup trop de spirituel pour l'histoire, il transforme Antigone en une espèce de chochotte qui ne choisit rien, ne peut rien, est là comme par hasard, ne comprend rien à ce qui se passe et geint.
Et en même temps, pour ce qui est de la rendre humaine, c'est raté. Il fait presque de l'héroïne une super-héroïne, un être exceptionnel doué de pouvoirs à la limite du surnaturel, ce qui fait évidemment perdre beaucoup de force au personnage d'Antigone dont la beauté vient du fait que justement elle est presque n'importe qui, elle est tout le monde. Tout est idéalisé à l'extrême, y compris le personnage d'Antigone qui devient à certains moments une sorte de Joséphine ange gardien ou peu importe quel truc dans ce goût là, débordant de bons sentiments et de sensibilité de supermarché, mais heureusement ces passages sont vites rattrapés, ils se noient dans le reste et on les oublie, il s'en sort bien. Son Antigone perd paradoxalement tout aspect humain et tout sympathie, comme quand on apprend à connaître quelqu'un qu'on admirait et qui se révèle être un trou du cul, on se dit "ah, c'est que ça ?", ici, le personnage est beaucoup plus du côté du ressenti, de ses émotions qu'elle écoute constamment avec une attention lassante que dans le conscient, le choix réfléchi, la décision. On perd de la grandeur, du tragique, elle est sans cesse habitée et mise en mouvement par quelque chose "qui vient de plus loin que moi", et c'est le problème, ça n'est plus un être humain seul qui dit non et qui s'oppose consciemment, elle n'est qu'une marionnette manipulée par quelque chose qui la dépasse, elle ne fait que subir, elle n'est rien, plus du tout intéressante par sa démarche consciente et volontaire.
La fin du roman reprend un peu du poil de la bête, mais semble hésiter, faiblement, et trop tard. Rien n'est assez frontal dans ce livre.
Ce qui m'a beaucoup gêné aussi, c'est ces délires de pensée magique, de non-limite au psychologique, les effets largement démesurés de l'esprit sur les choses, chez certains écrivains dans certains contextes, j'aime énormément, mais là, honnêtement, ça m'a semblé grotesque et irritant.
Pour conclure et résumer, la démarche de prendre le récit avant les événements bien connus, ceux de l'Antigone d'Anouilh (entre autres), est très très intéressante, un choix vraiment judicieux, mais la réponse qu'apporte Bauchau pour cette construction d'Antigone me semble totalement inappropriée, presque absurde, et en tout cas fortement décevante. On trouve une Antigone bien fragile, faiblarde, c'est une petite fille, même après tout ce qu'elle a vécu qui dépasse pourtant largement une vie normale, elle est tour à tour trop idéalisée, doucereuse, et en même temps qui perd toute sa puissance, qui n'est qu'une pauvre poupée de chiffon, vide, sans volonté, qui se laisse porter en étant tout juste consciente de ce qui se passe, le tout au milieu d'un axe temporel souvent étrange, de clichés un peu gros, suintant de convenu, mais malgré tout, qu'est ce que c'est beau comme écriture ! Tellement beau que ça m'embête de démolir ce livre, j'aimerais l'aimer, et je ne peux pas entièrement le déconseiller, parce que quand même, tous les points négatifs que j'ai cités sont portés par la plume de Bauchau.

Lundi 28 décembre 2009 à 11:02


http://www.decitre.fr/gi/13/9782070373413FS.gif
Marguerite Duras, La vie tranquille.

Le roman commence bien, j'aime souvent beaucoup les entrée in medias res quand ils ne sont pas trop appuyés, juste ce qu'il faut, comme ça. Il s'ouvre sur une action violente, mais c'est Duras, et donc elle la fait durer dans le temps, elle l'étire. Les événements s'enchaînent, et ce ne sont pas de petits événements, mort et passion amoureuse sont au rendez vous, mais à travers la narration de Francine, tout ça parait presque banal. Elle est comme indifférente, comme hors de la vie, de ce qu'elle nous décrit, on entend presque jamais sa voie, tout parvient comme étouffé. Et à la longue, ces drames relatés de façon si neutre, qui va jusqu'au monotone, deviennent assez dérangeants, on sent un certain malaise, surtout dans la deuzième partie où la narratrice semble de plus en plus insensible à ce qu'elle décrit et vit, mais en même temps, réalise qu'elle n'y est pas du tout extérieure, elle est même au centre de tout ce qui se passe, elle est le point de départ des malheurs qui déchirent ceux qui l'entourent. On continue d'aspirer à la vie tranquille, alors que tout semble contredire le fait qu'elle soit possible. Le roman crée vraiment une drôle d'impression, il est assez particulier au début, il semble rébarbatif, on ne voit pas trop où va tout ça, mais en continuant, on y trouve un grand intéret et on le suit avec une attention inquiète la narration très réussie de Francine, qui semble assez lourde au commencement, mais qui est en réalité fort bien construite et tenue. C'est le genre de romans à retardement que j'aime bien. Un bon Duras pour moi, peut être pas le meilleur ni le plus simple (à apprécier) mais loin d'être le moins bon. J'ai beaucoup aimé. Beaucoup.

Jeudi 3 décembre 2009 à 18:12


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Pitié pour les femmes, Henry de Montherlant.

Cet ouvrage est le deuxième volume d'un ensemble de quatre, dont le premier était Les jeunes filles, roman étrange, à la forme étonnante, incertaine, à la fois intéressant et un peu dérangeant. Ce second volume lui est nettement inférieur. Il n'a plus cette forme composite qu'avait le premier, enchaînant plusieurs types de documents : extraits d'articles, narration, lettres avec ou sans réponse, qui se croisent, parlent les unes des autres etc. Ici, une narration classique la plupart du temps, des lettres aussi, mais insérées de façon banale, et qui apportent beaucoup moins que dans le premier roman. Rien de surprenant ou d'inhabituel, le lecteur n'est pas déstabilisé dans la forme. Dans le fond ; pas plus. L'auteur s'applique à rendre son personnage aussi haïssable qu'attachant et intéressant, mais justement, il s'y applique trop pour que ça fonctionne, il force juste le trait par rapport au premier volume plus complexe, plus efficace. Le personnage finit par devenir indifférent au lecteur, il perd toute sa saveur, n'est absolument plus surprenant, on se désintéresse de ce qui peut bien se passer. Même l'écriture m'a semblé forcée, moins spontanée que dans le premier volume. Pourtant, on ne peut pas dire que le livre soit inintéressant, il se lit, on se laisse porter par le récit vu qu'il ne prend plus de chemins détournés, on avance dans le livre, il n'est pas désagréable si on accepte le personnage comme il est (un fumier fini, mais intelligent aussi, c'est bien ça le problème), ce qui est quand même l'intérêt de ces livres. Même s'il est moins savoureux que le premier, ça ne veut pas dire qu'il ne l'est pas. Mais ça n'est pas un livre qui me laissera de grands souvenirs. Peut-être les deux autres de la série sont ils meilleurs, celui ci ne serait qu'une transition un peu faible ? C'est possible, et si les volumes suivants me tombent sous la main un jour le les lirais sûrement, mais avec de moins grandes attentes.
 

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