François Cheng, le Dit de Tian-yi
Cela vient probablement aussi du fait que le temps commence à devenir un luxe, mais j'ai de moins en moins de scrupules à laisser tomber un livre qui m'ennuie trop. J'y laisse un bout de papier déchiré à la page à laquelle je me suis arrêté pour que, si un jour je le reprends, je me souvienne à quel moment j'ai abandonné (il m'est déjà arrivé de lire deux fois un livre, tellement insignifiant que je ne me suis rendu compte que dans les dernières pages que je l'avais déjà lu) et je le range dans ma bibliothèque. Quand il est à moi, évidemment, je ne vole pas de livres. Ou enfin peu.
Bref, vous l'aurez compris, j'ai abandonné ce livre de François Cheng, qui pourtant est un auteur qui m'a beaucoup intéressé dans d'autres ouvrages. Peut être est-ce la fiction qui ne convient pas à son écriture (selon mon goût, évidemment. cf: premier article).
Dès le début, l'écriture a entamé mon a priori positif par rapport à ce livre. Mais l'histoire elle même n'avait alors pas réellement commencé, je me suis dit que ça passerait, surtout que ce début était plein de promesses. Et puis non. Je trouve l'écriture vraiment marquée par les essais, et ça ne convient pas au roman, ça l'allonge inutilement et l'alourdit. La vision rétrospective de sa propre vie qu'est sensé avoir le narrateur n'est pas du tout réaliste, elle est montrée comme elle le serait par un narrateur externe et quasi omniscient alors que justement c'est ce qui m'aurait pas mal intéressé là dedans, voir comment il se sort du récit d'un vieux "fou" qui ne l'a justement pas toujours été, si il dresse, ce qui serait logique dans la forme du récit rétrospectif, une vision du Moi passé reconstitués par le Moi présent et dans laquelle le lecteur donc ne saurait pas discerner ce qui est vrai de ce qui est reconstitué a posteriori, ou alors si, en s'éloignant de la forme qu'il avait choisi, il allait nous montrer l'évolution du personnage, ce de quoi on est plus proche, mais de façon tellement diluée ! Et les aspects documentaires, purement culturels, même si tout à fait à propos et jouant quand même un peu un rôle, sont vraiment lourds et artificiels dans le récit. Comme je le dis, on dirait que le personnage narrateur est devant ce qu'il observe pour la première fois, avec toutes ses émotions et remarques intactes alors que l'écriture est sensée se faire une grosse cinquantaine d'année plus tard. Il n'y a pas de trous, pas de flous, pas d'ellipses, rien. Alors en plus de ça et l'écriture qui m'ennuyait profondément, ajoutez une histoire très inégale, qui se déroule comme à côté d'un narrateur auquel on ne croit pas vraiment, qui ne présente pas de tension particulière, et vous comprendrez pourquoi, après m'être plusieurs fois endormi sur ses pages, j'ai laissé tomber le bouquin. Dommage, le projet était sympa dans l'idée, et je soupçonne surtout que ça s'améliore au fur et à mesure pour devenir passionnant à la fin. Mais comme à la moitié passée ça n'étais toujours pas le cas, il attendra quelques années dans les rayons de ma bibliothèque que je le reprenne un jour, car je continue à croire qu'il peut être très intéressant.