des-mots-sans-bruit

(biblio-blog)

Samedi 13 juin 2009 à 9:34

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Vercors, Le silence de la mer.

Si j'ai pioché ce livre, c'est parce qu'il avait autant de chance de me passionner que de me décevoir. A cause du film, celui de 2004, avec Galabru. J'ai énormément aimé le film, il m'a ensorcelé soufflé, retourné, j'en aurais chialé je crois si j'avais été seul devant ma télé (et s'ils avaient juste coupé la dernière scène un peu faible du film). Et cette actrice, mince, cette actrice ! Celle qui joue Jeanne. D'abord elle est belle, belle comme il y a pas de mot pour le dire, ça tombe bien, et en plus son jeu est absolument parfait, ce que je ne dis pas souvent. Elle n'est pas seule, tous les acteurs sont très très bons d'ailleurs. Rarement je suis ému comme je l'ai été devant ce film.
Du coup le livre, soit il était aussi bien et c'est alors un chef d'œuvre, soit lu alourdit l'histoire, en fait trop et il est décevant. Eh bien ni l'un ni l'autre. Il est en réalité complètement différent. D'abord et au passage, précisons que c'est le premier ouvrage édité par les éditions de Minuit, rien que pour ça ça vaut le coup, et en général, quand un bouquin est édité chez eux, on sait que ça sera pas de la merde. C'est un groupement de récits courts dont le premier est Le silence de la mer et les autres ont pour seul lien la période d'occupation. Justement, c'est un peu ça qui m'effrayait, les récits de guerre et même tous ceux qui se déroulent durant cette période, on en a bouffé jusqu'à s'en rendre malade, et il faut bien dire même si c'est pas de bon ton, c'est quand même vrai, quand on en a lu trois, c'est bon, on a tout lu, ils se ressemblent tous affreusement, on les croirait écrits par la même personne. Mais là non. Pas une seconde dans ce livre on a l'impression de relire un texte mille fois lu. Le premier texte, le silence de la mer donc, est écrit du point de vue de l'oncle, ce qui m'a un peu déstabilisé au début mais qui est en fait une très bonne idée. Il ne fait que quelques pages et est assez puissant, mais à mon avis largement moins que le film. Werner, l'Allemand notamment est un peu simple, il m'a pas mal déçu, mais dans l'ensemble le texte est bien et agréable à lire, même les plus difficiles dans le contenu d'ailleurs, il n'y a jamais besoin de se forcer pour lire, l'écriture est très entraînante. Toutefois, j'y préfère de loin ce film magnifique qui, pour moi, sans mots, même en coupant le son rend beaucoup mieux la richesse des personnages, de la situation et de "la vie sous-marine des sentiments cachés, des désirs et des pensées qui se nient et qui luttent". Les autres textes sont tous plus simples, ils n'ont pas la même richesse quand même assez exceptionnelle de ce premier, ils sont un peu inégaux, mais tous ont une certaine force, c'en est parfois à la limite du supportable, et ce sans jamais avoir une écriture ennuyeuse, c'est à la fois très facile et très dur à lire. Je pense que c'est un livre qu'il faut lire, mais ne prévoyez pas trop de vous amuser à la lecture, ni même de trouver une triste mais jolie histoire d'amour, elle est beaucoup plus sous entendue dans le livre que dans le film. Film que vous devez absolument voir, il est formidable, mais je vous met en garde, que vous soyez une fille ou un garçon, vous allez tomber amoureux de Julie Delarme et de son interprétation du personnage. Le livre et le film sont différents et l'un ne remplace pas l'autre, il faut avoir vu et lu les deux.

Vendredi 12 juin 2009 à 9:16

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Jean Anouilh, Le voyageur sans bagage suivi de Le bal des voleurs.

Voilà un livre que j'avais envie de lire depuis un bout de temps, ce que j'en savais me laissait penser qu'il était très intéressant, et je n'ai pas été déçu ! La pièce Le voyageur sans bagage nous donne à voir un homme, Gaston, retrouvé amnésique après la première guerre et qui viens de passer quinze ans bien tranquille dans un asile jusqu'à ce que quelques personnes trop bien intentionnées se persuadent qu'il serait beaucoup plus heureux s'il retrouvait la mémoire et cherchent donc à tout prix à faire son "bonheur" sans lui demander son avis. Lui se laisse faire, il suit et fait ce qu'on lui dit. La pièce représente sa visite dans l'une des familles qui prétend être la sienne (beaucoup de familles ont eu des disparus pendant la guerre, donc beaucoup de candidats, et de plus, Gaston a une certaine fortune grâce à sa pension d'invalidité qui dort depuis 15 ans). Il est donc accompagné, ou en réalité poussé par une dame patronnesse parodique qui a bon espoir de lui faire retrouver la mémoire et surtout de le caser dans une bonne famille de grands bourgeois. Personne ne se soucie et même ne peut comprendre que lui vit très bien sans mémoire, personne ne veut le laisser être heureux comme ça. Il se retrouve donc dans cette famille de grands bourgeois et on lui parle du fils disparu qu'il est peut être. Il découvre alors à travers tout ce qu'on lui en dit que ce fils était un vrai fumier, un pourri cruel, méchant, le dernier des salauds, bref, une vraie ordure, et ceux qui l'entourent, à leur façon, ne sont pas beaucoup mieux. Il se découvre des obligations, des engagements par rapport à cette mémoire et est en situation de subir les conséquences de ce que celui qui était avant lui et lui est aujourd'hui totalement étranger a fait, il se voit le devoir de respecter ses engagements qu'il ne se souvient pas avoir pris et qui le dégoûtent, d'avoir des remords pour ses actes. Il se sent pris au piège par une mémoire qu'on lui impose et qu'on lui prouve finalement être la sienne, pourtant il arrivera à choisir une mémoire neuve, de repartir à zéro et donc de se fabriquer un avenir non conditionné par une fin inattendue et heureuse que je ne vous dévoile pas. Le texte est à la fois très profond et très drôle, on nous donne à rire autant qu'à réfléchir, c'est à dire beaucoup. La pièce parvient à la fois à nous surprendre, nous amuser et nous intéresser. Et puis vraiment, c'est du théâtre, on voit la pièce jouée, je me la suis montée sans problème dans ma tête, c'est extrêmement vivant. Cette pièce est formidable, un vrai joyau, à lire absolument, jetez vous dessus.

Souvent quand il y a deux pièces dans un livre, la seconde est moins bonne, voire médiocre. Celle-ci est effectivement moins géniale que la première, mais enfin il serait bien dommage de la sauter. Ce qu'elle a de moins, c'est la profondeur, la grande intelligence de la première. Par contre, elle est très très drôle, c'est une grosse farce (bon, disons une bonne comédie plutôt), elle est aussi très théâtrale dans le sens où on se la représente parfaitement, en lisant j'ai imaginé la pièce avec mon propre casting d'acteurs et une multitude de mises en scènes différentes. J'ai été très amusé par cette histoire de manipulations, de combines idiotes et d'amour, ponctuée d'une bonne dose d'absurde. Un excellent divertissement, et comme la précédente, une écriture vraiment plaisante et pas du tout vieillie. Je suis très satisfait de ce livre qui a comblé mes attentes pourtant grandes !
 
(que d'articles positifs à la suite ! Il est rare d'avoir de si bonnes périodes de lecture !)

Mardi 9 juin 2009 à 21:25

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Georges Sand, La petite Fadette.

En sortant le livre de mon écrasante pile de livres pas encore lus, je soupirai. Je ne sais pas pourquoi, je sentais que j'allais m'ennuyer à lire le récit des amours longuets de deux paysans très improbables. Je me trompais ! J'ai lu le livre comme il doit être lu, c'est à dire d'une traite. Une histoire d'amitié, d'amour, de conflit entre les deux, et de jalousie dans la vie d'enfants qui deviennent des hommes. Une histoire assez gentillette, mignonnette, c'est vrai, mais bon, on se prend facilement au jeu de l'histoire et on prend pas mal de plaisir à lire ce livre, même si on se doute assez rapidement de la fin (j'hésitais entre deux possibles à vrai dire), c'est bon à lire jusqu'au dernier mot, c'est une très jolie petite histoire. Il met un peu de temps à démarrer, mais au moins il démarre, contrairement à certains qui sont terminés avant de commencer. Au début, l'écriture, le vocabulaire aussi un peu, font légèrement peur, mais au fil des pages, ça passe et ça devient très agréable, et peu importe que ces paysans du fin fond de nulle part parlent miraculeusement bien pour leu éducation, tant mieux même. C'est une histoire d'amour(s) touchante, attendrissante, amusante aussi par certains petits jugements qu'on y trouve, et une narration pas inintéressante ma foi. Donc j'ai finalement dévoré ce livre qui a été une bonne surprise et ne m'a finalement absolument pas ennuyé, loin de là. Si vous avez envie d'une petite lecture sympa, tendre et champêtre, n'hésitez pas comme moi.
Je me disais que par contre en film ça ne donnerait probablement rien de potable, et en cherchant l'image de la couverture, je vois qu'ils en ont fait un film. L'affiche semble me donner raison, mais bon, je ne porterai pas de jugements sur ce film sans l'avoir vu.

 

Dimanche 7 juin 2009 à 19:15

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Albert Camus, L'exil et le royaume.

Six nouvelles, six courts récits différents pour six exils différents, mais tous aussi puissants. Avant tout, ce livre est très beau, les descriptions, ou en réalité les évocations des lieux, de leurs effets sur les personnages et les atmosphères sont magnifiques, on est littéralement saisit devant cette écriture. La forme de la nouvelle est parfaitement employée, tout est dit et il n'y en a pas trop, les fins sont bienvenues et bien choisies, tout est superbement bien écrit. Je l'ai dit, il y a une certaine puissance dans ces histoires d'exil, une force qui noue un peu les tripes du lecteur, mais ça n'est pas du tout lourd ou mal fait, tout se fait dans une terrible douceur, l'effet est très sobre, ça n'est jamais trop et c'est vraiment subtil. On sourit aussi parfois, d'un sourire un peu amer mais on sourit. J'ai eu avec Camus de bonnes et de moins bonnes expériences, celle-ci fait assurément partie des excellentes. Un livre très beau, je le répète parce que ça ne sera jamais assez dit, simple en apparence et en réalité très fort. Voilà un livre à lire et sans aucun doute à relier de temps en temps, je le conseille à tout le monde.


Vendredi 5 juin 2009 à 15:27

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Georges Perec, Les choses.

Un livre court mais pourtant pas léger. L'histoire d'un couple dans sa quête du bonheur, mais leur idée du bonheur est assez confuse et surtout éternellement insatisfaisante puisque fortement liée aux choses, sous lesquelles ils se noient, étouffent au lieu d'être heureux. Ils se laissent embarquer par une conception un peu simple du bonheur, qui occulte beaucoup de ses dimensions, mais le livre n'est pour autant pas une vrai critique de la société de consommation, de la soif de posséder, enfin en tout cas moi je ne trouve pas, ça n'est pas une dénonciation du système mais simplement un exemple d'une idée fausse ou incomplète du bonheur. Le vrai problème des personnages, c'est qu'ils sont des forces désirantes mais non agissantes. Ils tendent vers un but mais ne font rien pour l'atteindre, car ils veulent avoir la ligne d'arrivée sans avoir à faire le parcours. Ils ne voient pas le bonheur où il faudrait, ils ne pensent pas la vie comme une randonnée, c'est à dire quelque chose dont l'intérêt et la saveur se situe non pas dans la destination mais dans la marche et les endroits qu'on traverse. Pour eux, le bonheur est un point fixe, un état précis, et ce qui mène à lui n'en fait pas partie, c'est un aboutissement. Et surtout, ce but semble si loin, si difficile à atteindre que ça donne le vertige aux personnages qui se sentent impuissants, et, écrasés par ce sentiment d'impuissance, le deviennent. Alors nécessairement, avec une conception comme celle là, fixe, lointaine et essentiellement liée aux choses, ils ne peuvent qu'être frustrés, et ils en arrivent même, à un moment à perdre leur force de désir, seule à les animer, pour devenir eux même des choses. Finalement, lorsqu'enfin ils parviennent à ce à quoi ils aspiraient, leurs souvenirs heureux vont vers la période de leur vie la plus éloignée de ce but vers lequel ils tendaient, vers cette route qu'ils voulaient n'avoir pas à parcourir, qui leur semblait impossible.
C'est un livre assez facile à lire contrairement à ce que laissent supposer les premières pages auxquelles il ne faut surtout pas s'arrêter et qui prennent vraiment tout leur sens avec le roman, c'est un livre qui donne à réfléchir et qui met dans une certaine mesure face à soi même le lecteur, bref, c'est un livre qu'il faut vraiment lire, quitte à sauter quelques ligne au début si vous voulez. Il vaut le coup de s'accrocher un peu (et tellement peu) pour ceux qui auraient du mal avec le style, en plus d'être réellement agréable à lire, c'est un de ces livres qui apportent quelque chose. Ce qui peut se résumer par "un bon livre" en fait, tout simplement.

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